Chroniques Matriciennes / Épisode II: Vive le confinement !

Les Chroniques Matriciennes, c'est notre rendez-vous hebdomadaire, l'occasion de donner la parole à différents contributeurs qui nous partagent leur vision de la crise sanitaire afin de la penser ensemble sous un angle social, sociétal ou historique. Aujourd'hui Thibaud Dumas, Directeur de l'Incubateur Matrice Cube et Docteur en Neurosciences Cognitives s'intéresse au pouvoir de la déconnexion et aux bienfaits sous-estimés de...l'ennui.

Les Chroniques Matriciennes, c’est notre rendez-vous hebdomadaire, l’occasion de donner la parole à différents contributeurs qui nous partagent leur vision de la crise sanitaire afin de la penser ensemble sous un angle social, sociétal ou historique. Aujourd’hui Thibaud Dumas, Directeur de l’Incubateur Matrice Cube et Docteur en Neurosciences Cognitives s’intéresse au pouvoir de la déconnexion et aux bienfaits sous-estimés de…l’ennui.

Depuis le 17 mars, notre génération vit une expérience unique. Un changement radical dans nos modes de vie et nos interactions sociales, mettant notre résilience à l’épreuve. 

Vive l’ennui !

Dans nos modes vies débordant de notifications, de partages virtuels, de sollicitations attentionnelles, de contenus numériques… Il est devenu bien rare de s’ennuyer… A juste titre. Qui aime s’ennuyer ? Temps à priori perdu, gâché, inutile, mort, incompatible avec notre recherche de productivité et d’efficacité. Dans notre course face à l’accélération, il n’y a pas de place pour l’immobilisme. Nous cherchons à remplir le temps, et nous ne supportons pas le vide. Le confinement accroît plus que jamais les risques d’hyperconnexionPourtant, l’ennui est une des meilleures choses qui puisse nous arriver. 

Se retrouver seul avec soi-même, c’est ce confinement là qui m’intéresse. D’ailleurs, il intéresse bon nombre de scientifiques. En 2014, des chercheurs ont demandé à des étudiants de rester seuls dans une pièce à ne rien faire, pendant 15 minutes (seulement !). L’expérience a été jugée très désagréable par les participants, et la plupart ont préférés appuyer sur un bouton (disposé pour l’expérience) leur envoyant des décharges électriques plutôt qu’être seuls avec leurs pensées. Cela se passe de commentaires…

L’ennui est en général perçu comme une expérience négative, pourtant il peut avoir de nombreux avantages. L’ennui est paradoxalement une force de changement et un moteur de passage à l’action. Plus particulièrement l’ennui nous motive à chercher des objectifs alternatifs ! L’ennui, en apparence symbole d’immobilité, est en réalité un déclencheur de nouveaux comportements. L’ennui nous fait bouger physiquement mais aussi mentalement.

Vive la rêvasserie !

L’ennui nous aiderait également à être plus créatif En effet, étant incapables de nous extraire physiquement, l’ennui peut déclencher chez nous un décalage de notre attention, une sorte de fuite depuis une tâche non désirée, ennuyeuse ou désagréable, vers une échappatoire mentale plus plaisante. Autrement dit, cognitivement, le passage d’une attention orientée vers l’extérieur à une attention orientée vers l’intérieur. Cette focalisation interne, temporaire, est un formidable catalyseur pouvant déclencher une série de mécanismes cognitifs tels que la rêvasserie. Stimulant notre imagination, le changement de points de vue, la prise de recul, la mémoire, la réévaluation des informations, la résolution de problèmes, et la découverte de solutions nouvelles. La rêvasserie (daydreaming) nous permet en outre d’explorer des idées qui nous semblent, à priori, illogiques et de penser à des solutions qui ne sont peut être pas réalistes. C’est cette capacité mentale extraordinaire de nous extraire de nos à priori qui nous offre l’opportunité unique de penser au delà des limitations de notre quotidien. Néanmoins, pour cela, il faut accepter de s’ennuyer, de rêvasser et de perdre l’espace de quelques minutes le contrôle de nos pensées et de notre supposée productivité.

Dans une société de plus en plus régie par un sentiment d’urgence, par la recherche de l’optimisation, et par la sursollicitation attentionnelle, que l’on soit confiné seul ou à plusieurs, se retrouver seul avec ses pensées est probablement l’un des défis pour lequel nous avons le plus de résistance. Pourtant c’est sans aucun doute dans l’expérience de l’ennui, l’imaginaire et la rêvasserie que résident les solutions encore insoupçonnées de demain.

Pour en savoir plus (du même auteur, aux éditions Mango) :

A lire aussi >>> Chroniques Matriciennes / Episode I: La Revanche Historique

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