Chroniques Matriciennes / Épisode III: Lettre du coronavirus à ses détracteurs
Les Chroniques Matriciennes, c’est notre rendez-vous hebdomadaire, l’occasion de donner la parole à différents contributeurs qui nous partagent leur vision de la crise sanitaire afin de la penser ensemble sous un angle social, sociétal ou historique. Aujourd’hui, c’est le coronavirus lui-même qui prend la parole…sous la plume de François-Xavier PETIT, Directeur Général de Matrice.
Mesdames, Messieurs,
Je suis silencieux depuis le début de la crise que j’ai provoquée, mais trop, c’est trop ! J’ai décidé de prendre la parole pour dire quelques vérités.
Voilà plusieurs mois que vous me décrivez comme le pire de tous les fléaux. J’ai mes torts, je l’avoue. Mais quand même, regardez-vous un peu avant de me jeter la pierre !
Est-ce ma faute si vous dépendez quasi exclusivement de la Chine pour vos matériaux, composants informatiques et autres biens ? Combien d’entre vous ont découvert que son sous-traitant, ou que le sous-traitant de ce dernier, dépendait entièrement de la Chine, au risque vous mettre en danger ? Partout, vous ne parlez que de supply chain, de mondialisation, d’optimisation et de performance… et vous aviez raté cette immense vulnérabilité ! Mais vous êtes sérieux ?
Et c’est moi aussi qui ai supprimé 100 000 lits d’hôpital en 20 ans ? Sans doute que l’avenir de l’hôpital est la médecine ambulatoire (cause première de la fermeture des lits) mais rien n’empêchait de constituer des stocks stratégiques ou de maintenir un tissu industriel en France. Car, personnellement, je ne suis pour rien dans le choix de délocaliser la fabrication des médicaments et principes actifs (80% fabriqués hors d’Europe aujourd’hui, contre 20% il y a 30 ans) ou même simplement le réactif dont on a besoin pour pour tester aujourd’hui la population. Ils sont produits aux États-Unis qui les gardent désormais pour eux.
Mais surtout, réfléchissez bien. Et si, au final, je faisais le boulot que vous n’arriviez pas à faire ? J’ai mis un uppercut définitif dans le menton de l’austérité. Alors qu’il était impossible, il y a un mois, d’investir massivement pour sauver l’hôpital et revaloriser les carrières des soignants « parce qu’il n’y a pas d’argent magique », il semblerait que j’ai permis d’inverser l’ordre des choses et de trouver cet argent ! Alors, ne soyez pas injustes. Je suis le seul depuis des décennies à avoir réussi à déplacer des montagnes dans votre pensée économique hors d’usage: je viens de tuer le plafond de déficit budgétaire de 3%. Rectifié, balayé ! Cela faisait des années que les socio-démocrates, les altermondialistes, les écologistes, n’arrivaient à rien à part à une impuissance définitive (au pouvoir comme dans l’opposition). Malgré la crise financière, malgré le Brexit, malgré la destruction du sentiment européen, rien n’y faisait. Moi, je l’ai fait en un mois.
Quant au saint des saints, la politique monétaire, je vais même plus loin: la crise sanitaire que je génère préfigure les crises écologiques que vous aurez à affronter demain. Aussi, je fais le pari que les investissements dans la transition écologique sortiront de vos calculs de déficit. Alors ne faites pas trop les malins, les chefs de guerre, les Clemenceau ou les Churchill sous le regard de vos nations. Parce qu’à part Greta et moi, pas grand chose ne vous a fait bouger. Donc tout doux sur les leçons de morale et les postures martiales ! Oui, la politique monétaire est en train d’échapper aux banques centrales pour redevenir un instrument politique. Enfin ! Voyez que mon action n’est pas seulement dramatique. Vous voilà même créatifs, puisqu’il se pourrait que vous inventiez de la monnaie sans dette. Je fais vos révolutions. Je suis l’inverse de vos incapacités.
Alors, oui, le risque d’inflation est là… Mais qu’est-ce que vous me chantez là ? Si on se dit les choses, il se trouve qu’en 40 ans, l’économie est devenue sa propre vérité, avec ses règles hors du monde et ignorantes de la réalité de la production et du travail. Les métriques des banquiers centraux ont remplacé la vie économique elle-même. Vous savez quoi, je suis votre retour du réel ! Je suis la démonstration que les marchés ne sont pas optimaux mais uniquement des conventions. Je suis le retour du réel qui montre qu’avoir encore un Etat qui fonctionne n’est pas un archaïsme. Je suis le retour du réel qui exprime clairement ce que sont les conditions de production et de travail. En fait, je viens vous décrasser le cerveau. Parce qu’en vérité, l’inflation, c’est pire que la destruction du tissu économique ? Ou pire que le changement climatique ? Maintenant, il va falloir choisir.
Mais je vais plus loin, puisqu’il faut remette les pendules à l’heure. Le trafic aérien : vous gémissez contre les émissions de gaz à effet de serre. Moi, je l’ai arrêté. Votre système productif destructeur de la planète, et avec lui les kilomètres de bouchons en Île de France où les hordes de touristes à Venise. Stoppés net. J’ai trouvé le bouton d’arrêt d’urgence sur votre système fou… celui que vous feignez de chercher depuis longtemps. J’ai peut-être même ressuscité l’attention aux autres.
Je suis un fléau, c’est certain. Mais je suis aussi l’ombre portée de vos faillites.
Signé CoVid 19, votre propre test de dépistage pour infection plus grave que celle de votre serviteur.
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