[INTERVIEW] “Sur la qualité de l’air, il est urgent d’informer”

Expert chez AtmoSud, Névénick Calec accompagne le projet DIAMS aux côtés de la matrice Air Data. Pour ce passionné d'environnement, il faut trouver le meilleur moyen d'informer les citoyens, pour que chacun puisse prendre sa part dans les défis écologiques à venir.

Expert chez AtmoSud, Névénick Calec accompagne le projet DIAMS aux côtés de la matrice Air Data. Pour ce passionné d’environnement, il faut trouver le meilleur moyen d’informer les citoyens, pour que chacun puisse prendre sa part dans les défis écologiques à venir.

Névénick Calec est expert sur la qualité de l’air. Au cours d’une thèse sur le dépôt de particules ultrafines qu’il effectue au moment de la catastrophe de Fukushima au Japon à l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire, il travaille à la fois sur la mesure et la modélisation afin d’améliorer les cartes de prévisions de dépôts des particules en cas d’accident et d’incident.

Très actif sur la question environnementale, notamment comme militant au sein de l’association France Nature Environnement et comme entrepreneur d’un projet de micro-capteurs citoyen en open source, il a rejoint AtmoSud, l’observatoire de la surveillance de qualité de l’air dans la région PACA, en tant que pilote du projet DIAMS. Aujourd’hui il accompagne ce projet en faveur d’une meilleure information sur la qualité de l’air, aux côtés de la matrice Air Data. Pour cet expert, il est urgent d’informer les citoyens pour réduire notre impact et la pollution. Entretien.

La France a été condamnée en octobre par la Cour de justice de l’UE pour son dépassement systématique de la valeur limite pour le dioxyde d’azote depuis 2010. Que pouvons-nous faire pour éviter ce genre de situations ?

La première étape c’est l’information. Les citoyens ont besoin d’être informés, l’Etat a besoin d’être informé. Et c’est justement le rôle des experts de l’air au sein d’AtmoSud. Nous avons un triple objectif : surveiller la qualité de l’air ; présenter, vulgariser, sensibiliser ; et enclencher une dynamique d’innovation. Et cette dynamique-là est entièrement tournée vers l’Etat, vers les collectivités, et vers les citoyens. Parce que la qualité de l’air a un impact sur chacun d’entre nous. Nous tenons notre légitimité de nos multiples capteurs mais aussi des experts qui sont là tous les jours pour faire les mesures et modéliser les données. Aujourd’hui notre défi, c’est de répondre aux besoins en proposant de nouveaux services, toujours avec ce but d’information et de sensibilisation. Car beaucoup de gens ignorent ce qu’est la qualité de l’air : que relâche votre pot d’échappement ? On parle du diesel qui émet des polluants, des particules, et on dit que l’essence ne fait pas de particules ! Mais l’essence, ça fait du gaz, et le gaz, en se combinant avec les particules extérieures, forme ce qu’on appelle un aérosol secondaire, un polluant. C’est très important de vulgariser ces sujets pour que chacun prenne sa part. Surtout quand l’on sait que les sources de pollution (particules fines, oxyde d’azote, dioxyde de carbone, COV…) sont autant liées aux industries, à la circulation de véhicules en ville et au résidentiel avec le chauffage domestique. Sans parler de l’impact planétaire sur l’air et le climat, plus complexe à concevoir, résultant de nos achats de vêtements plus que nécessaire, du changement récurrent de téléphones, de nos voyages en avion…

Le citoyen ne fait-il pas face, au contraire, à un surplus d’informations sur ces sujets qui touchent à l’écologie… jusqu’à créer une forme d’indifférence ?

Pour bien répondre, il faut comprendre comment nous apprenons, comment le cerveau intègre les informations. En référence aux travaux en neurosciences cognitives de Stanislas Dehaene, il faut créer un environnement dans lequel la curiosité est suscitée et récompensée. Le problème ne vient pas d’un surplus d’informations mais de la façon dont ces informations parviennent au citoyen. Et vous savez pourquoi c’est encore plus complexe pour un sujet comme l’air ? Nous n’avons pas conscience de respirer 15.000 litres d’air par jour, soit le volume d’une salle de réunion, ce qui rajoute par exemple de la difficulté à la prise de conscience et à l’engagement actif. D’après les médecins, de plus en plus de patients, principalement des enfants, ont des problèmes aux poumons, dont 75% sont d’origine cardiovasculaire. Nous avons déjà perdu sept mois d’espérance de vie moyenne sur Marseille, d’après l’étude de 2015 par l’Agence de Santé, l’ARS. C’est considérable en termes de santé publique. Donc sur la qualité de l’air, il est urgent d’informer, de susciter de l’attention et d’entraîner le citoyen par la joie et l’envie vers de nouvelles façons de faire. Le citoyen engagé doit devenir un.e héros/héroïne cool des temps à venir.

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Justement comment fonctionnent les capteurs d’AtmoSud et à quoi sert la plateforme DIAMS ?

AtmoSud c’est une multitude de capteurs sur tout le territoire, 43 stations de mesures et aussi des prélèvements manuels, effectués par nos techniciens et experts. Toutes les données récoltées sont vérifiées, analysées puis traitées grâce à la modélisation. Nous éditons par exemple les cartes sur la pollution qui sont désormais présentées chaque jour après le bulletin météo télévisé. Et c’est un peu le même objectif que nous poursuivons avec le projet DIAMS : permettre à des acteurs de donner et de recevoir des données, pour en faire bénéficier le plus grand nombre et pour en tirer de la valeur. La plateforme va aussi permettre d’échanger, notamment avec les citoyens, qui vont peu à peu être inclus sur le site. Bien sûr, nous n’en sommes qu’aux prémices de ce projet ! Et la matrice Air Data constitue le premier jalon de notre expérimentation.

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Quelles ambitions nourrissez-vous pour le projet DIAMS et la matrice Air Data ?

J’espère que la rencontre entre ces acteurs multiples et ces profils très divers fera émerger des projets qui vont expliquer et rendre tangible/concrète l’importance de la qualité de l’air. Lors du Hackathon, les participants de la matrice vont imaginer des solutions à partir des données, réfléchir à des algorithmes pour les exploiter de façon intelligente, et pour créer des outils utiles et informatifs. Notre slogan chez AtmoSud, c’est “inspirer un air meilleur”. Pour y parvenir, nous informons les gens par la donnée. C’est le but ultime de DIAMS : créer de l’engagement citoyen autour de la qualité de l’air. Toute la dynamique expérimentale, et d’action proposée par la matrice Air Data, s’inscrit aussi dans cette lignée.

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