Pourquoi Matrice lance Matrice l'École, l'organisme de formation et de reconversion aux métiers du numérique et à l'entrepreneuriat ?
Jean Condé, directeur de Matrice l’École, l’organisme de formation de Matrice, nous partage sa vision du secteur de la formation et son ambition pour Matrice l’École.
À la sortie de Matrice l’École, un confrère m’a demandé, non sans une pointe de taquinerie dans la voix : « en quoi c’est innovant ce que vous faites à l’École ? Non mais vraiment innovant ? En quoi ça fait rupture ? »
J’étais embêté pour répondre, parce que je n’avais rien de facile à dire. Pas de nudge, pas de micro learning, pas de digi badges à agrafer à mon digiplastron, pas d’instrumentation automatisée de l’ancrage mémoriel par push répété en cycles de durée variable… Pas de schéma du cerveau dans la salle de cours… Et une salle de cours, d’ailleurs.
Nos références théoriques sont plus proches de John Dewey, d’Amartya Sen et de Knowles que de Jeff Besos et Boris Cyrulnik… Nous ne disons pas qu’il est facile d’apprendre et que ça peut se faire entre 2 visios ou dans le métro… Au contraire, nous défendons l’idée que se former est difficile, quel que soit le dispositif pédagogique, que c’est un processus long qui n’aboutit qu’au prix d’un réel effort, et qu’on ne peut pas faire grand-chose pour quelqu’un qui n’a pas la ferme intention de s’investir à fond.
En fait, en quelques millisecondes, j’ai compris que je ne pourrai pas lui répondre avec l’aplomb d’un startuper sur-entraîné à la base line et à la value proposition et que j’allais devoir introduire le concept un minimum. Or, de toute évidence, mon interlocuteur n’était pas disposé à patienter le temps d’un développement improvisé. J’ai donc avalé ma fierté et abrégé sans conviction, arguant que l’innovation n’était pas un objectif en soi, ou quelque chose de ce genre.
Vous me voyez venir… Je profite de l’opportunité de ce petit texte pour essayer de redorer l’image de l’École au panthéon de la novation ! Prenons donc une minute.
Depuis une grosse vingtaine d’années, les acteurs de l’éducation et la formation ont dessiné et emprunté, sans détour, le chemin des compétences. Pas grand monde n’a freiné cette dynamique tant la relation logique sous-tendue semble pleine de bon sens :
Il y a des métiers en tension sur le marché de l’emploi ⇒ ces métiers peuvent être décomposés en blocs de compétences ⇒ Des formations forment à ces blocs de compétences ⇒ On peut opérer un métier dès lors que l’on s’est formé aux compétences correspondantes.
Aussi cohérent que ce raisonnement puisse paraître, il n’est opérant que dans un tableau Excel des gestionnaires, et n’est utile que pour piloter de loin des politiques publiques. Là où se situe le risque, c’est de prendre tout cela au sérieux sur le terrain pédagogique, car :
⇒ Des décennies de sociologie des professions ont su montrer qu’un métier ne pourra jamais se résumer à une juxtaposition de compétences. Il fait l’objet d’une socialisation qui passe par la construction d’une identité professionnelle (pour soi, se sentir compétent ; par autrui, être perçu/ reconnu/identifié comme compétent).
⇒ Une compétence ne s’exerce jamais seule, indépendamment d’un collectif et d’une organisation. Apprendre un métier, c’est donc apprendre à travailler et à s’adapter en collectif au sein d’une organisation
⇒ La trajectoire professionnelle des personnes est non linéaire, elle ne commence pas à la formation pour s’arrêter à l’embauche. Elle est complexe, sinueuse ou chaotique. Elle se compose de mille et un plis comme le disait Lahire. Somme des expériences vécues, elle est même ce qui constitue la personne dans sa singularité et se poursuit bien au-delà de la retraite…
⇒ Les individus sont très inégaux face à la formation et face aux compétences, notamment parce qu’indépendamment des savoir-faire ou des savoir-être que l’on développera en formation, la compétence qui primera à l’embauche sera toujours celle de savoir comment « se vendre » à un recruteur. Et ça, c’est sociologiquement l’apanage des hommes, par exemple.
À Matrice l’École, nous prenons ces problèmes à bras le corps. Ce sont les nôtres en tant qu’organisme de formation professionnelle et nous y faisons face avec toutes nos ressources et tout notre cœur.
Nos participants sont sélectionnés sur la base de la solidité de leur projet de formation, celui-ci appréhendé en toute considération du passé de la personne et de ses projections professionnelles. La construction de l’identité professionnelle est accompagnée pendant toute la formation à grand renfort d’ateliers de professionnalisation conçus pour nos publics. La gratuité des formations, nos canaux et nos modes de communication, nos processus de recrutement tâchent de neutraliser les inégalités d’accès à la formation en rendant notre offre profondément accessible et attractive. Le collectif est central dans notre pédagogie. Il est considéré comme un processus, comme un objectif à atteindre et non comme un état de fait. Nous passons des dizaines d’heures à le travailler, pour favoriser la capacité d’écoute, la capacité à faire lien, à aider et se faire aider, à construire collectivement des objectifs et à collaborer pour les atteindre à plusieurs. C’est là toute la base de l’autonomie, car il n’y a que dans les films où les hackers sont des êtres solitaires. En réalité, seuls les développeurs ou les entrepreneurs qui sauront se développer dans et avec le collectif atteindront cet état de résilience si recherché par les employeurs.
Bref, voilà ce que j’aurais aimé lui dire, mais la phrase percutante et simple qui séduit n’importe qui le temps d’un aller simple en ascenseur n’est pas sortie. Alors « oui, nous sommes innovants », et de manière plus radicale qu’il n’y paraît à première vue. Nous sommes innovants par le soin que nous prenons à faire notre métier d’organisme de formation, par le soin que nous mettons à considérer l’apprenant, dans toute sa complexité. Innovants par le soin que nous nous accordons, enfin, au sein de cette merveilleuse équipe de Matrice L’École dont chaque membre vit sa mission professionnelle de tout son être.
Jean Condé, directeur de Matrice l’École, l’organisme de formation de Matrice