SORTIE DE CRISE
Et s’il était possible de lire dans les pensées ? Avec cette rubrique, c’est tout comme ! François-Xavier Petit, Directeur Général de Matrice y expose ses idées, opinions et vision: quelques mots pour une plongée dans son esprit comme si on y était.
Nous voilà déconfinés !
Matrice a tenu, avancé, transféré les formations et l’incubation en ligne, inventé des rythmes de travail à distance, puis repris ses activités sur site. Parce que notre raison d’être est le décloisonnement… alors vous pensez, le confinement ! Difficile innovation lorsque les gens ne se croisent pas, ne vivent pas leurs aventures ensemble, dans la proximité des idées et des vécus, dans le frottement des différences, dans l’échange ininterrompu.
Nous sommes définitivement certains que la plupart des progrès procèdent de ces rencontres improbables, en voyant des gens différents faire différemment.
Nous suivons les préceptes du théâtre classique : unité de lieu, de temps et d’action. Cela s’incarne dans notre lieu, l’atelier Barillet, au cœur du XVe arrondissement de Paris, dans un rapport très physique à la porosité des idées. C’est là que les étudiants, chercheurs, artistes, entrepreneurs reviennent doucement. Tous ont trouvé des solutions à distance, mais tous ont besoin de retrouver le contact.
Ainsi, notre formation développement informatique et gestion de projet numérique intitulée « Tech Manager » fonctionne en pair à pair, c’est à dire en aidant les autres, en glissant un œil vers l’écran du voisin, en voyant et en aidant. C’est ainsi que l’on apprend. De même, nos programmes de création de startups « Matrice initiale » – par exemple celui que nous menons sur le HLM du futur – grandissent et s’enrichissent de l’empirisme, de l’échange: aller sur place, dans les cages d’escalier des barres d’immeubles, chez les gardiens, au-devant des habitants. Il en va de même pour nos labos d’innovation. Nous entamons un travail avec un centre hospitalier sur la (si actuelle) gestion des lits. Cela se fait au milieu des professionnels, dans la réalité de leurs usages. Quant aux startups que nous incubons, la résilience est leur grande force. Mais, plus que d’autres, leur besoin est d’accéder à des clients, des marchés, des entreprises qui vont leur donner leur chance.
Alors il faut redémarrer et offrir à nouveau un cadre de travail propice, notamment à tous ceux qui ne l’ont pas chez eux.

Nous faisons de l’innovation, de la science, nous créons des entreprises, non pas comme une théorie, mais au milieu de la société et de l’économie, des grands groupes et des institutions publiques, en faisant travailler ensemble des gens qui ne se seraient jamais croisés sans cela.
Nous finissons actuellement un magnifique projet avec Peugeot qui a amené des codeurs de 42 (et bien d’autres) à travailler avec les designers les plus en pointe. Quelle rencontre ! Et ce n’est qu’au sein de Matrice que ces rencontres se font comme nous les faisons, en mobilisant la recherche pour comprendre les contextes, l’entrepreneuriat pour porter des projets économiques, et le numérique pour créer des solutions techniques…et surtout tout cela ensemble, là où l’université s’arrête aux savoirs, les incubateurs incubent des projets déjà existants et les entreprises du numérique développent à la commande. Nous, nous lions les trois et apprenons de cela.
Alors, au fond, nous sommes viscéralement opposés à l’idée de distanciation sociale. Nous trouvons même que les cloisons sont déjà là, partout, trop hautes. Nous agissons tout le temps pour les faire tomber.
Nous trouvons que les incompréhensions entre différents mondes sont déjà légion pour ne pas s’écarter plus encore des autres.
Nous avons même l’habitude d’investir des terrains qui ne sont pas les nôtres, et cela sans présenter d’autorisation de sortie. Alors, oui, nous allons recréer du contact, qu’on se le dise. Parce que Matrice, c’est cela.

Pour autant, ce ne sera pas le retour à avant car il s’est bien passé quelque chose.
Bien sûr, dans l’immédiat, nous respecterons les gestes barrières, la distance physique de sécurité, le maintien du télétravail, l’accompagnement à distance et tout ce qui permet de contenir l’ennemi invisible. La santé est prioritaire, et pas seulement la nôtre mais celle des plus fragiles qui peuvent nous entourer. Mais au-delà, il faut ressortir de cette crise en étant différents.
C’est pourquoi nous vous annonçons 4 pistes d’action et de réflexion :
1. Une résidence d’artistes tournée vers les formes hybrides qui allient la présence et la distance.
Les grands rassemblements ne sont pas pour demain et nous devons être bien plus imaginatifs que Meet et Zoom pour créer de l’échange. Aussi, comme première résidence de l’atelier b – notre programme artistique – nous donnons en ce moment carte blanche à des artistes et des codeurs pour créer ces formes d’échange en ligne et hors ligne. Début en juillet 2020.
2. Le lancement de la formation « Atterrir ».
Il s’agit d’une formation agricole entièrement tournée vers l’agro-écologie et les modèles d’avenir, qu’ils soient dans la production ou la distribution. Parce que la crise sanitaire a démontré que le local devait reprendre la main, que la protection des sols et des milieux naturels importait plus encore qu’on le croyait, et parce que de nouvelles générations de producteurs agricoles doivent se lever. Début en janvier 2021.
3. Une réflexion sur les marges du salariat.
D’où nous sommes, nous avons vu à quel point étudiants, startupers, artistes, contrats courts, freelance, ont été frappés par la crise sanitaire et économique. Il n’est plus possible que la protection sociale s’arrête aux frontières du salariat. Surtout si nous sommes dans une économie de l’innovation et que les catégories citées ci-dessus en sont le fer de lance. Il nous revient d’imaginer d’autres solutions et de faire des propositions.
4. Enfin – encore et toujours – nous agirons pour un numérique plus responsable.
C’est notre ligne de vie depuis plus d’un an. Comme professionnels du numérique, nous aussi sommes face à notre capacité d’action écologique et résiliente. C’est le moment de le montrer.